Que les communistes des pays impérialistes unissent leurs forces pour assurer la renaissance du mouvement communiste !

Erreurs de dialectique

sabato 15 luglio 2006.
 

Erreurs de dialectique
  1. Les formations économico-sociales impérialistes
  2. Les crises générales du capitalisme
  3. Le bilan du mouvement communiste
 4. La lutte entre les deux lignes au sein du parti
  5. Le bilan des pays socialistes
 6. La révolution socialiste dans les pays impérialistes
  7. La méthode de la ligne de masse

 

 

* Certains répondent que ces difficultés proviennent de la force économique, politique et culturelle de la bourgeoisie impérialiste et de la férocité et du manque de scrupule des systèmes de contre-révolution préventive qu’elle a élaborés et perfectionnés, d’abord pendant, et ensuite après la première vague de la révolution prolétarienne (1900-1950). Mais il est évident que ces facteurs existent et continueront à exister tant que ne prévaudront pas les forces révolutionnaires. On ne peut donc les considérer comme étant le principal obstacle au développement des forces révolutionnaires ; ils sont en fait une cible, que les forces révolutionnaires doivent abattre. Quand et où les communistes ont-ils jamais réussi à accumuler des forces révolutionnaires simplement parce que la classe dominante aurait facilement accepté de leur céder le terrain ? Quelle serait la tâche des communistes si la classe dominante n’opposait pas la plus acharnée, la plus cynique et féroce résistance à l’avancée du socialisme ? Le fondateur du mouvement communiste nous a au contraire enseigné que la révolution fait se lever une contre-révolution puissante ; ainsi, c’est seulement en la combattant que le parti de la révolution peut atteindre la maturité d’un vrai parti révolutionnaire (K. Marx, Les luttes de classes en France [1848-1850]). Quelques décennies plus tard, Staline nous a indiqué que l’expérience confirmait cet enseignement de Marx : à savoir que la lutte de classe devient plus aiguë au fur et à mesure que la révolution prolétarienne s’étend. La force, le cynisme et la férocité de la contre-révolution sont seulement un signal que la bourgeoisie impérialiste rencontre de plus en plus de difficulté à faire survivre son pouvoir ; elles constituent donc un signe et une confirmation de l’immense potentiel de développement et de succès du mouvement communiste.

 

* D’autres répondent que les difficultés que le mouvement communiste rencontre actuellement dans les pays impérialistes proviennent de l’ampleur de l’opportunisme. L’opportunisme est une forme de résignation et d’assujettissement à la domination de la bourgeoisie, une sorte d’accord avec la bourgeoisie dans le but qu’elle satisfasse les besoins immédiats d’individus ou de tels ou tels petits groupes ou de quelques catégories. L’opportunisme, c’est des accommodements avec la bourgeoisie qui l’aident à préserver son pouvoir ; c’est nourrir des illusions sur la bourgeoisie ; c’est hésiter dans la lutte contre elle. Mais nous ne pourrons éliminer l’opportunisme que dans le cours du développement de la révolution : son élimination à un niveau général ne peut être considérée comme étant une condition préalable au déclenchement de la révolution. En effet, l’opportunisme est alimenté principalement par deux sources. La première, c’est l’influence que la bourgeoisie impérialiste exerce dans les rangs des révolutionnaires (influence idéologique, chantage et corruption) : il s’agit d’une influence que nous pouvons contenir mais que nous ne pourrons éliminer complètement tant qu’on n’aura pas éliminé la bourgeoisie elle-même. L’autre source, c’est l’influence que la bourgeoisie, comme vieille classe dominante, possède structurellement sur les masses populaires non encore mobilisées ou qui ne sont que faiblement mobilisées dans la lutte révolutionnaire : cette influence, nous l’éliminerons au fur et à mesure que le mouvement communiste réussira à impliquer les masses populaires. Il est donc évident que le caractère largement répandu de l’opportunisme ne constitue pas la source de nos difficultés : c’est par contre une manifestation de nos difficultés, un de ses aspects.

 

* L’obstacle principal à la renaissance du mouvement communiste dans les pays impérialistes est d’ordre interne ; ainsi donc, son élimination repose entièrement entre nos mains, communistes des pays impérialistes. Cet obstacle, c’est le dogmatisme de ceux qui se déclarent communistes et qui cherchent sincèrement à agir comme tels ; c’est la conception peu dialectique qui les guide et la méthode peu dialectique avec laquelle ils cherchent à connaître le monde et à le transformer. Le dogmatisme entrave la construction des partis communistes, mais aussi leur renforcement lorsqu’ils existent déjà.

 

Nous, communistes, n’adhérons pas suffisamment aux lois du mouvement pratique qui transforme l’état actuel des choses, c’est-à-dire aux lois du communisme comme le définissaient déjà Marx et Engels dans L’idéologie allemande (1846). Pour cette raison, nous n’arrivons pas à le diriger. Certains nient même qu’il existe un tel mouvement pratique qui transforme l’état actuel des choses, et ils le réduisent à ce qu’ils déterminent, i.e. au mouvement conscient et organisé. Le point de vue selon lequel c’est le mouvement conscient et organisé qui crée le mouvement pratique est un point de vue idéaliste. Développé avec cohérence, il porte à conclure qu’il n’y a pas un mouvement pratique que nous devons connaître pour être communistes ; et cela réconforte l’indifférence envers l’enquête et l’élaboration de l’expérience qui effectivement affecte tant de communistes. Il existe en réalité un mouvement pratique qui transforme l’état actuel des choses : notre tâche comme communistes est d’en comprendre les lois, pour le diriger. Peut-être est-ce du codisme que d’adhérer aux lois du mouvement pratique qui transforme le monde ? Non ! Le codisme, c’est de se placer derrière les masses populaires encore influencées par la bourgeoisie, c’est-à-dire de subir indirectement l’influence de la bourgeoisie. Le mouvement pratique transforme la société actuelle, il la pousse vers le communisme.

 

Nous, communistes, devons comprendre les lois de cette transformation ; nous devons être conscients de la nécessité inhérente des choses et devenir des promoteurs actifs et conscients de leur transformation. La transformation de la société capitaliste en société communiste, de par sa nature, c’est le passage d’un mouvement que les hommes subissent par nécessité et qu’ils accomplissent sans en être conscients à un mouvement conscient et planifié. Déjà dans le Manifeste du parti communiste, Marx et Engels nous ont enseigné que le rôle des communistes par rapport au reste de la masse des travailleurs et travailleuses consiste à connaître les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien et à être la partie la plus résolue du prolétariat, celle qui le pousse toujours plus vers l’avant (chapitre II). La transformation de la société capitaliste en société communiste est un mouvement objectif et nécessaire qui ne peut s’accomplir qu’en devenant un mouvement subjectif et conscient. Sans conscience et direction il se disperse en mille directions, il stagne et quelques fois et pour un certain temps, il peut même se transformer en son contraire. Sans théorie révolutionnaire, le mouvement révolutionnaire ne peut pas se développer au-delà d’un niveau élémentaire et spontané, et il reste exposé sous mille et une formes aux manœuvres expérimentées de la classe dominante qui l’influence, l’infiltre, le dévie, le détourne de son parcours, l’enveloppe dans des contradictions inextricables, l’exténue, le fragmente, le disperse et oppose une partie du mouvement pratique à une autre. La bourgeoisie impérialiste, en particulier, transforme systématiquement, même spontanément sinon que consciemment, les contradictions qui l’opposent aux masses populaires, en contradictions au sein des masses populaires ; de cette manière, elle arrive à prolonger son existence, elle rend misérable le sort des masses populaires et elle les abrutit moralement et intellectuellement. Ainsi, la mobilisation des masses populaires contre la progression de la crise générale du capitalisme ne devient pas une mobilisation révolutionnaire, mais elle devient une mobilisation réactionnaire, dirigée par les groupes de la bourgeoisie impérialiste.

 

L’obstacle principal à la renaissance du mouvement communiste consiste dans le fait que les communistes qui s’adonnent sincèrement à la cause de la révolution ont une conception du monde et une méthode de travail qui ne tiennent pas suffisamment compte ni des transformations que la société bourgeoise a connues, ni de l’expérience de la première vague de la révolution prolétarienne. Quant aux programmes de la plupart des partis et des groupes communistes des pays impérialistes, lorsqu’ils analysent le mouvement économique, politique et culturel de la société actuelle, c’est comme si la première vague de la révolution prolétarienne, qui a bouleversé le monde entier d’un bout à l’autre, était passée sans laisser de trace, seulement parce que se sont écroulés les États, les partis et les organisations de masse qu’elle avait créés. Le communisme est vraiment mort et rayé de l’histoire, il n’a jamais existé, même dans ces programmes ! C’est encore l’influence idéologique de la bourgeoisie, des illusions et conjurations de la bourgeoisie. Mais la réalité est bien différente.

 

Rompre avec le dogmatisme qui rend nos efforts stériles ; élaborer une théorie révolutionnaire qui reflète la réalité de la transformation vers le communisme que nous devons diriger ; et donner, sur cette base, des solutions révolutionnaires aux tâches de la révolution prolétarienne : tout ça se retrouve dans la thèse voulant que les nouveaux partis communistes doivent être fondés sur le marxisme-léninisme-maoïsme. Dans les sept points qui suivent, nous illustrerons plus en détail cette thèse.

 

1. Les formations économico-sociales impérialistes

 

La conception du mouvement économique et politique des sociétés impérialistes qu’ont aujourd’hui une grande partie des communistes sincères est une combinaison 1) de formules marxistes-léninistes répétées sans cesse, sans l’enrichissement et la spécificité que les développements de la réalité exigent, et qui donc se réduisent à des formules creuses ; et 2) d’analyses patentées par les révisionnistes soviétiques qui, asservis à la bourgeoisie impérialiste dans le champ de la politique, de la gestion de la société et de la culture, ont laissé survivre à la longue un secteur momifié de l’idéologie qui répétait et adaptait de façon opportuniste le marxisme-léninisme, tant qu’il leur servait de couverture : les plus âgés se souviennent bien de Suslov et de ses discours creux. Pour se convaincre que cette affirmation est vraie, il suffit d’étudier les programmes actuels des partis communistes des pays impérialistes ou d’étudier la conception du monde sous-entendue par leurs analyses politiques.

 

Les sociétés impérialistes présentent des caractéristiques importantes qui se sont formées à la suite 1) de la progression du caractère collectif des forces productives, 2) de la formation, de la part même de la bourgeoisie impérialiste, d’une série de formes antithétiques de l’unité sociale (FAUS), 3) de la première vague de la révolution prolétarienne (dans laquelle ont été combinées des révolutions socialistes et des révolutions de nouvelle démocratie) avec la constitution des premiers pays socialistes et la formation partout d’un fort mouvement communiste, entendu comme étant un mouvement conscient et organisé.

 

Dans la société bourgeoise se sont formées une série de FAUS : ordonnances, procédures et institutions avec lesquelles la bourgeoisie cherche à faire face au caractère collectif assumé des forces productives, en demeurant cependant dans le domaine des rapports de production et des rapports sociaux bourgeois qui le nient. Parmi les FAUS appartiennent la monnaie fiduciaire qui depuis plus de 50 ans sert le mouvement économique au niveau mondial, et dans laquelle on matérialise une grande partie du « pouvoir social » de chaque individu ; les politiques économiques publiques ; la négociation collective du salaire et des conditions de travail au niveau d’une catégorie d’employés-es, d’un pays, voire du monde ; les systèmes de sécurité sociale et les services publics ; les politiques démographiques et de formation de la force de travail ; les réseaux de communication unifiés au niveau mondial ; l’industrie publique du logement ; les politiques environnementales et de création d’infrastructures ; les autres institutions englobées dans ce qu’on appelle « l’État social » ; bref, pour employer une expression bourgeoise, tout ce qui sert à maintenir ou promouvoir la cohésion sociale et éviter la paralysie et le chaos auquel « le libre marché et la recherche immodérée du profit », c’est-à-dire le mode de production capitaliste, mèneraient rapidement. En somme, il s’agit de toutes les ordonnances, les procédures et les institutions avec lesquelles la bourgeoisie cherche à gouverner le mouvement économique de la société et l’ensemble de la vie sociale, tout en maintenant des rapports de production capitalistes. Certes, la bourgeoisie n’arrive pas avec les FAUS à gouverner le mouvement économique et à l’organiser selon un plan et vers des objectifs prédéfinis. Les rapports entre les groupes capitalistes et les rapports entre la bourgeoisie et la classe ouvrière et le reste des masses populaires demeurent fondamentalement antagoniques et excluent que le mouvement économique de la société soit gouvernable. Puisque la bourgeoisie impérialiste ne gouverne pas le mouvement économique, la bourgeoisie impérialiste ne peut pas même dominer le mouvement politique et culturel de la société - « les choses lui échappent des mains ». Mais les formes dans lesquelles se développe le mouvement économique, politique et culturel ne peuvent pas être comprises sans tenir compte de ces transformations.

 

L’essence du mode de production capitaliste mise en lumière par Marx s’est maintenue tout au long de l’époque capitaliste, mais elle n’a jamais existé à l’état pur. Elle n’a existé qu’à travers des formations économico-sociales concrètes qui se sont transformées profondément dans le cours de l’époque capitaliste, justement parce que la société capitaliste doit aboutir à la société communiste. Celle-ci ne surgit pas d’un coup et à l’improviste, mais se forme par la décomposition de la société capitaliste et elle reste contrainte dans son enveloppe, tant qu’elle ne le casse pas. La substance du capitalisme s’exprime dans des formes divergentes selon le degré de capitalisation des sociétés, selon le niveau auquel sont arrivés l’absorption formelle et l’absorption réelle des activités humaines par le capitalisme, selon la survie dans chaque pays concret de formes et d’institutions de sa société pré-capitaliste avec lesquelles le mode de production capitaliste s’est combiné en les transformant, selon les formes et les institutions dans lesquelles s’est exprimé le mouvement communiste dans chaque pays concret, selon les FAUS que la classe dirigeante a concrètement créées. De plus, les formations économico-sociales de l’époque impérialiste, et en particulier celles de l’époque impérialiste postérieure à la première vague de la révolution prolétarienne, ont des caractéristiques spécifiques distinctes des caractéristiques des sociétés pré-impérialistes dont on doit tenir compte pour diriger leur transformation.

 

Le capitalisme a pris possession d’activités qui au XIXe siècle n’étaient pas encore des activités économiques. Le capitalisme a transformé en activités commerciales des activités qui se déroulaient depuis toujours pour chaque individu ou groupe familial comme étant des activités « naturelles », spontanées et diffuses : la préparation de la nourriture, la confection et l’entretien des vêtements, le soin du corps et de l’esprit, les rapports sexuels, la procréation, l’éducation et la garde des enfants, l’instruction, le soin des malades, l’assistance aux aînés, la sépulture des morts, les activités récréatives, etc. Le capitalisme s’est emparé de ces activités et d’autres encore, et il les a repensées et restructurées en fonction de sa propre nature.

 

Le capitalisme a divisé les vieilles activités en plusieurs activités distinctes productrices de marchandises, en érigeant chacune d’elles en nouveaux secteurs productifs. Il a profondément divisé la connaissance, le projet, la prévision, l’organisation et la direction de l’exécution ; il a fait de chacune de ces activités une activité commerciale en soi (un secteur distinct de l’activité économique) et les a profondément transformées et enrichies.

 

Le développement de l’urbanisation, des relations sociales et de la civilisation a entraîné des nouvelles activités productrices de marchandises. Le même fonctionnement du capitalisme avec ses activités financières, commerciales, d’assurance et publicitaires a engendré des activités productrices de marchandises et des secteurs productifs.

 

Ces trois transformations ont fait apparaître une classe ouvrière énorme en nombre, mais avec des caractéristiques qui ne sont pas celles auxquelles sont accoutumés les dogmatiques, dont l’analyse de classe est demeurée accrochée aux souvenirs du temps passé. Marx nous a clairement enseigné depuis les premières pages du Capital qu’une marchandise peut être un bien cédé ou un service prêté, que la nature de sa valeur d’usage est secondaire, bien que dans son exposé, Marx se soit surtout référé à des exemples de marchandises-biens, conformément aux caractéristiques de la société de son temps, il y a 150 ans. Mais les dogmatiques restent arrêtés aux exemples historiques maintenant dépassés et ferment les yeux face au fait toutefois évident qu’aujourd’hui, la majorité des marchandises produites par les capitalistes, dont la production est le véhicule et le support du procès de valorisation du capital (surtout dans les sociétés impérialistes), est constituée de services ; et il en sera toujours plus ainsi. De cette façon, ils ignorent une grande partie de la classe ouvrière réelle de nos pays. Et c’est exactement ce qu’ont enseigné les révisionnistes soviétiques qui encore à la fin des années 80 comptabilisaient comme production seulement la « production de biens matériels ».

 

C’est seulement en étudiant et en comprenant suffisamment les mécanismes des formations économico-sociales impérialistes telles qu’elles sont aujourd’hui, que nous réussirons à dégager la voie vers la révolution socialiste. Il s’est produit une combinaison entre le mouvement économique et le mouvement politique de la société - qui est, d’une part, comme disait Lénine, l’antichambre du socialisme, et qui d’autre part imprime tant au mouvement économique qu’au mouvement politique, et en général au mouvement de la société dans chaque camp, des caractéristiques dont doivent tenir compte les communistes sous peine de faillir dans leur intention d’accumuler des forces révolutionnaires, de mobiliser la classe ouvrière pour qu’elle prenne la direction de la société en éliminant la direction de la bourgeoisie impérialiste et de porter la société à marcher le plus consciemment et le plus directement possible vers le communisme. Si nous considérons les écrits programmatiques de la plupart des partis et des groupes communistes des pays impérialistes, nous voyons que les communistes oscillent entre 1) des caricatures du marxisme qui prétendent faire descendre chaque initiative politique et culturelle directement de l’intérêt économique immédiat de ses promoteurs directs et 2) l’abandon de fait du marxisme qui se manifeste dans une description stéréotypée et donc irréelle du mouvement économique et dans une description du mouvement politique et culturel dans lequel perdure l’influence des catégories à la mode de la culture bourgeoise.

 

2. Les crises générales du capitalisme

 

Les crises qui ont bouleversé et continuent à bouleverser la société à l’époque de l’impérialisme sont de nature différente des crises décrites par Marx en ce qui concerne l’Europe de la première moitié du XIXe siècle. À l’époque impérialiste, les crises cycliques décrites par Marx, qui ont caractérisé la phase pré-impérialiste, sont désormais atténuées et abrégées par des mesures anticycliques qui font partie des FAUS ; elles sont réduites à des cycles d’expansion-récession relativement brefs et à des oscillations contenues par rapport aux perturbations effectives des sociétés actuelles. Les vieilles crises cycliques dont les caractéristiques ont été décrites par Marx n’ont survécu que dans les manuels d’économie politique produits par les révisionnistes soviétiques jusqu’à la fin des années 80 et que leurs disciples dogmatiques continuent à produire. Les révisionnistes soviétiques ont continué à baser la description du mouvement économique des sociétés impérialistes sur les crises cycliques. Les partis communistes encore soumis idéologiquement aux révisionnistes soviétiques oscillent entre deux thèses. Premièrement, la thèse voulant que la société bourgeoise ait réussi à se guérir des crises : bien peu osent aujourd’hui défendre ouvertement cette thèse de droite, mais dans un passé récent, elle alimentait bien des conceptions subjectivistes au sein du mouvement révolutionnaire ; aujourd’hui encore, elle demeure le fondement logique, même lorsque non déclaré, des conceptions qui excluent qu’il soit possible d’accumuler des forces révolutionnaires dans les pays impérialistes et qu’il faille reposer nos espoirs uniquement dans le développement du mouvement révolutionnaire dans les pays opprimés et généralement, dans « l’aggravation des contradictions » produit par la « crise historique du capitalisme »
-   qui est devenue une sorte d’attente messianique, un « deus ex machina » pour la solution des contradictions logiques à laquelle les dogmatiques s’accrochent. Deuxièmement, il y a la thèse de gauche qui exagère les effets économiques et politiques des cycles expansion-récession qui se succèdent, un après l’autre, à brève échéance.

 

Tout comme leurs maîtres (les révisionnistes soviétiques), les dogmatiques se gardent la conscience en paix en parlant d’une « crise historique du capitalisme » qui progresserait, omniprésente, immuable, égale, tout au long de l’époque impérialiste, exempte de contre-tendances et qui embrasserait tout. Elle contiendrait en elle-même toutes les manifestations des sociétés capitalistes. Les partisans de cette thèse ne distinguent pas et encore moins n’expliquent l’origine, le processus et la fin des périodes réelles de crise qui ont traversé la société au début de l’époque impérialiste, les périodes de reprise et de développement qui les ont interrompues ainsi que leur succession. Ils ne se préoccupent jamais d’expliquer comment il se fait que cette crise permanente, qui aurait débuté il y a plus de 100 ans, ne soit pas encore arrivée à l’accomplissement de son œuvre : comment se fait-il que sommes-nous encore à l’époque impérialiste ?

 

En réalité, à l’époque de l’impérialisme, la société est bouleversée par des crises générales de longue durée, qui débutent sous la forme de crises économiques causées par la surproduction absolue de capital, comme Marx l’a expliqué théoriquement dans le chapitre 15 du troisième livre du Capital. Surproduction de capital veut dire que le capital accumulé ne peut être totalement employé à extraire de la plus-value en élargissant le procès de production capitaliste proprement dit jusqu’à absorber tout le prolétariat disponible, parce que si la bourgeoisie agissait ainsi elle produirait une masse de plus-value décroissante. Dans les conditions créées par la première vague de la révolution prolétarienne et par les FAUS déjà développées, si par exemple à partir des années 70, les capitalistes avaient continué à élargir le procès de production proprement capitaliste dans la mesure permise par le capital accumulé, ils auraient extrait une plus-value égale ou moindre à ce que les capitalistes extraient en employant dans le procès productif une partie seulement du capital accumulé et du prolétariat disponible.

 

On trouve ici la cause, soit de l’élan renouvelé avec lequel les groupes impérialistes se sont jetés comme des loups faméliques pour s’emparer de manière plus profonde du monde entier, soit de la fièvre d’innovations productives, technologiques, financières et de création de nouveaux secteurs d’activité et de nouveaux champs d’investissement, soit des grandes bulles financières et du ratissage et de la destruction de capitaux et d’économies qui y sont liés, soit des migrations à grande échelle et de bien d’autres phénomènes des 30 dernières années et des convulsions politiques et culturelles en cours depuis quelques décennies et de celles qui surviendront. C’est ce qui pousse les groupes et les États impérialistes à la guerre entre eux et à la guerre d’extermination que la bourgeoisie impérialiste mène de fait contre les masses populaires. Il est très important de comprendre la combinaison de ces deux types de guerres parce que c’est seulement en transformant la deuxième en révolution socialiste que les communistes pourront non seulement prévenir la guerre inter-impérialiste mais aussi canaliser la résistance des masses populaires vers le socialisme.

 

Les crises générales de l’époque impérialiste débutent sous la forme de crises économiques mais se transforment en crises politiques et culturelles, et elles ne trouvent leur solution qu’aux niveaux politique et culturel : soit avec des révolutions socialistes, soit avec une nouvelle organisation imposée par les groupes impérialistes les plus forts, qui imposent leur prééminence par la guerre inter-impérialiste. Une première crise du genre a eu lieu dans le dernier tiers du XIXe siècle, qui s’est résolue avec le partage du monde entre les puissances impérialistes et l’entrée dans l’époque impérialiste. La première crise générale véritable se déroula dans la première moitié du XXe siècle et s’est conclue avec la formation du camp socialiste et l’imposition de l’hégémonie des groupes impérialistes U.S. sur ce qui restait du monde capitaliste. Après 30 ans environ de reprise de l’accumulation capitaliste, la seconde crise générale du capitalisme a débuté durant les années 70, et elle est toujours en cours. C’est dans ce contexte général que s’insèrent et deviennent compréhensibles les grands succès atteints par le mouvement communiste dans la première partie du XXe siècle et sa défaite subséquente, dont nous luttons actuellement pour en sortir.

 

F. Engels a continué jusqu’à la fin de sa vie (1895) à étudier l’évolution de la société capitaliste dans les pays impérialistes, et il s’est rendu compte de la formation pratique des FAUS (évoquée théoriquement par Marx dans les Grundrisse) avec lesquelles la bourgeoisie faisait face, dans une certaine mesure, aux effets les plus déstabilisants causés par l’anarchie de la production capitaliste, lorsque celle-ci a soumis sur une large échelle les activités économiques. Il a à maintes reprises indiqué que dans une certaine mesure, la bourgeoisie avait trouvé des remèdes à l’anarchie de son mode de production. Engels se rendit également compte de l’apparition d’un nouveau type de crise et il en a parlé explicitement dans la préface de 1886 à l’édition anglaise du premier livre du Capital. Lénine, avec ses travaux sur l’impérialisme, a par la suite apporté de grandes contributions à la compréhension de la « superstructure » plus avancée que le capitalisme a construit. Pour diriger le mouvement de transformation des sociétés impérialistes, il est indispensable que les communistes s’approprient ces contributions, les développent et comblent les limites que le développement du mouvement communiste pendant la première vague de la révolution prolétarienne a mis en lumière, jusqu’à comprendre le mouvement de la société actuelle de manière suffisante pour le diriger.

 

3. Le bilan du mouvement communiste

 

Le monde a avancé et continue à avancer vers le communisme, précisément dans le sens où il élabore, cherche, découvre et met à l’épreuve des rapports et un ordre social conséquent avec le caractère collectif assumé par les forces productives matérielles et spirituelles, avec la domination conquise par les hommes sur la nature et sur leur vie même. Le mouvement pratique de transformation de l’état actuel des choses ne s’arrête pas parce que nous ne le comprenons pas. Mais il y a deux voies pour aller vers le communisme.

 

La première - celle qui est consciente, la plus directe et la moins orageuse - passe à travers l’instauration au moins dans la majorité des pays impérialistes, du pouvoir de la classe ouvrière qui l’arrache à la bourgeoisie impérialiste par une révolution et se guide elle-même ainsi que les autres classes et les masses populaires vers l’acquisition d’une conscience massive de leurs potentialités et de leurs tâches et vers l’adaptation des rapports entre les individus, les groupes sociaux, les nations et les pays au caractère collectif de l’activité économique et des autres activités sociales, en apprenant à se gouverner soi-même et ses activités.

 

La deuxième, plus tortueuse et tourmentée, s’ouvre à travers des crises générales, des périodes de reprise, des guerres inter-impérialistes, des vagues successives de la révolution prolétarienne, la construction de partis communistes, d’organisations de masse et d’États socialistes suivie par leur corruption et leur démolition, le développement de FAUS toujours plus avancées et leur destruction. Et celà, jusqu’à ce qu’au niveau mondial les conditions subjectives soient plus avancées et qu’apparaîtront finalement des pays socialistes qui marcheront avec continuité vers le communisme en ouvrant le chemin aux autres.

 

Pendant la première vague de la révolution prolétarienne (1900-1950), le mouvement communiste a remporté plus de succès que tout autre mouvement dans l’histoire et ce, en moins de 100 ans de sa naissance : mise sur pied d’un vaste camp socialiste qui unissait alors un tiers de l’humanité, ainsi que d’influents partis communistes pratiquement dans chaque pays, et effondrement du système colonial. Les masses populaires ont conquis des conditions de vie et de travail jamais imaginées précédemment, la bourgeoisie impérialiste a dû élaborer des FAUS qui ont poussé vers l’avant la transformation de la société sur une large échelle. Mais dans la seconde moitié du dernier siècle, le mouvement communiste, en tant que mouvement conscient et organisé, s’est en grande partie écroulé et beaucoup de ses conquêtes ont été dans une certaine mesure perdues. Pourquoi ce grand revers s’est-il produit ? Les armées victorieuses sont celles qui apprennent de leurs défaites. La défaite est la mère de la victoire pour qui, plutôt que se laisser démoraliser, intègre ses enseignements. Mais qu’est-ce qui a été la cause de notre défaite ? Certains communistes survolent cette question. Pour eux, la défaite est un cas fortuit, fruit de causes mystérieuses ou impondérables, et ils adoptent la ligne voulant qu’en essayant encore, tôt ou tard on y arrivera. D’autres attribuent la défaite à la trahison de quelques dirigeants, ou à l’arrogance de la bourgeoisie. Mais ces réponses sont inconsistantes, pour peu que nous les examinions de façon critique. Si elles étaient justes, nous serions en fait condamnés à la répétition des mêmes défaites. En effet, comment pourrons-nous nous assurer qu’il n’y aura plus de dirigeants traîtres ? Qui donc pourrait se procurer une bourgeoisie débonnaire et conciliante ?

 

Le révisionnisme moderne a pris la direction du vieux mouvement communiste et il l’a conduit à la ruine, même si pour y arriver, les révisionnistes modernes ont dû éroder, ronger et soudoyer pendant des décennies le vieux mouvement communiste, tellement il était fort. Le révisionnisme moderne est le produit de l’influence de la bourgeoisie impérialiste au sein du mouvement communiste, et nous ne pouvons pas empêcher complètement cette influence, tant qu’existe la bourgeoisie : celle-ci nous influence (le révisionnisme), et nous influençons la bourgeoisie (les FAUS). Mais le révisionnisme a réussi à avoir le dessus au sein du mouvement communiste, jusqu’à en prendre la direction, consolider sa direction et éroder et soudoyer comme un cancer le mouvement communiste jusqu’à l’abattre seulement parce que la gauche était convaincue que les conquêtes du mouvement communiste étaient irréversibles, parce qu’elle n’a pas donné de réponses révolutionnaires aux problèmes nouveaux posés par les succès atteint par le mouvement communiste ; autrement dit, parce que la gauche a fait des erreurs de dogmatisme, de manque de dialectique : elle n’a pas vu le nouveau, elle n’a pas compris de manière correcte les lois des formations économico-sociales socialistes qu’elle avait créées, ni celles des formations économico-sociales impérialistes dans lesquelles elle devait diriger la révolution. Ce sont les limites du vieux mouvement communiste qui ont permis le succès du révisionnisme moderne. Celui-ci s’est imposé parce que, en manque de réponses révolutionnaires, il donnait aux difficultés du nouveau monde de vieilles réponses bourgeoises qui pas après pas, de régression en régression, en quelques décennies ont porté le vieux mouvement communiste à la liquidation.

 

C’est seulement en déterminant et en dépassant les limites du vieux mouvement communiste que nous soutiendrons la renaissance du mouvement communiste sur des bases qui le porteront à de nouveaux succès, plus durables. Les limites du vieux mouvement communiste concernaient soit la révolution socialiste dans les pays impérialistes qu’il n’a pas su mener à bon port, soit le développement des nouveaux pays socialistes qu’il avait instaurés mais n’a pas su faire durer et prospérer. C’est dans ces deux domaines que le nouveau mouvement communiste doit donner des réponses en les élaborant à partir de l’expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et en comprenant les lois des formations économico-sociales actuelles.

 

4. La lutte entre les deux lignes au sein du parti

 

La première limite du vieux mouvement communiste concerne justement les partis eux-mêmes, qui sont les sujets et les promoteurs indispensables de la révolution et de la transformation.

Le parti communiste est le parti de la classe ouvrière révolutionnaire mais il est aussi influencé par la bourgeoisie impérialiste, soit directement soit indirectement à travers les autres classes sociales. La marche de la guerre entre la classe ouvrière et la bourgeoisie impérialiste dépend des partis communistes. L’expérience a non seulement montré que la classe ouvrière, pour réussir à vaincre la bourgeoisie impérialiste, doit avoir un parti communiste adéquat, elle a aussi montré que la bourgeoisie impérialiste ne réussit à vaincre la classe ouvrière que si elle arrive à soudoyer le parti communiste. Étant donné la centralité du rôle des partis communistes (que seuls les mouvementistes nient), la lutte entre l’influence des deux classes pour déterminer la ligne du parti est inévitable dans chaque parti communiste. Nous ne pouvons éviter que la bourgeoisie exerce son influence dans nos rangs, mais nous pouvons empêcher que cette influence devienne prédominante et détermine notre ligne.

En deuxième lieu, le monde change et nos connaissances doivent s’adapter : la lutte entre les nouvelles idées, les expériences nouvelles et les expériences et les vieilles idées est inévitable pour le développement de chaque parti.

En troisième lieu, la réalité ne se reflète pas immédiatement dans nos consciences, la substance des choses ne se révèle pas directement et immédiatement : la lutte entre le vrai et faux est un procès indispensable dans chaque parti pour faire prévaloir la ligne juste.

En conclusion, l’expérience de la première vague de la révolution prolétarienne enseigne que la lutte entre les deux lignes dans le parti communiste est permanente et qu’elle est source de progrès du parti. Sans lutte, il n’y a pas de vie. Centralisme-démocratique et lutte entre les deux lignes ne sont pas incompatibles. L’expérience des deux partis communistes qui ont dirigé les plus grandes révolutions du siècle dernier - le Parti communiste (bolchevik) de Russie et le Parti communiste chinois - a donné des exemples à grande échelle et dans des conditions très diverses d’application soit du centralisme-démocratique, soit de la lutte entre les deux lignes. Ils n’en avaient pas encore une conscience claire, mais pour procéder jusqu’à la victoire et mener à bon port les grandes révolutions qu’ils ont dirigées, ces partis ont dû appliquer le principe d’organisation du centralisme-démocratique et mener des luttes entre les deux lignes répétées. L’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’URSS (1938) illustre quelques-unes des luttes entre les deux lignes conduites par le premier parti. La Résolution sur quelques questions de l’histoire de notre Parti (1945) illustre quelques-unes des luttes entre les deux lignes conduites par le second parti. Nier que dans le parti communiste il y ait une lutte entre les deux lignes ne fait pas disparaître cette lutte, qui est un fait objectif : cela veut seulement dire que la gauche la mènera à l’aveuglette et rendra sa défaite plus probable. Le dogmatisme est ce qui a fait en sorte que la gauche des vieux partis communistes a laissé le champ libre aux révisionnistes modernes, de sorte que ceux-ci ont pu s’en emparer et les détruire.

 

5. Le bilan des pays socialistes

 

Les premiers pays socialistes ont accumulé un précieux patrimoine d’expériences, soit pendant la période de leur affirmation, soit pendant la période de leur décadence sous la direction des révisionnistes modernes jusqu’à l’effondrement à la fin des années 80. Les enseignements que nous en pouvons tirer sont énormes et restent en grande partie encore inexplorés par les nouveaux partis communistes.

 

Cette expérience a mis en lumière que les rapports de production présentent trois aspects distincts : 1) la propriété des moyens et des conditions de la production ; 2) les divisions parmi les producteurs (entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés, entre hommes et femmes, entre ville et campagne, entre zones et secteurs avancés et zones et secteurs arriérés, etc.) ; 3) les rapports de distribution du produit. C’est seulement en considérant tous ces trois aspects qu’il est possible de comprendre avec justesse où se trouvait la bourgeoisie dans les pays socialistes. Elle était constituée des dirigeants du parti, de l’État et des autres institutions sociales qui promouvaient des solutions bourgeoises aux problèmes de développement de la nouvelle société socialiste. Si on ne considère pas tous les aspects des rapports de production, il est impossible de comprendre clairement en quoi consiste la transition du capitalisme au communisme, l’élimination graduelle et par bonds des restants des rapports capitalistes et le développement graduel et par bonds des rapports communistes, qui sont la tâche historique de la phase socialiste. Si on ne considère pas tous les aspects des rapports de production, il est impossible de comprendre clairement la lutte entre 1) les rapports capitalistes qui continuent inévitablement à exister après la conquête du pouvoir et l’instauration de la dictature du prolétariat et 2) les germes de communisme auxquels la révolution socialiste a donné vigueur et qui se développent graduellement et par bonds en cherchant leurs formes adéquates. Si on ne considère pas tous les aspects des rapports de production, il est impossible de faire une analyse de classe des sociétés socialistes. Il devient donc impossible de diriger la lutte des classes opprimées dans le domaine des nouvelles conditions politiques et culturelles spécifiques de la société socialiste. La Révolution culturelle prolétarienne fut une manifestation pratique de la force que la lutte de classe pouvait dégager en faveur du communisme dans la société socialiste.

 

Les programmes des nouveaux partis communistes identifient la bourgeoisie dans les pays socialistes dans certains cas à la partie des vieilles classes exploiteuses qui survivaient encore ; d’autres la voient chez les intellectuels, le lumpen ou la bureaucratie, ou encore chez les employés-es du secteur coopératif. Aucune de ces analyses ne résiste à la critique ni ne rend compréhensible l’ensemble de l’histoire des pays socialistes ; aucune ne donne aux communistes des pays socialistes des armes pour prévenir la restauration ni ne fournit aux communistes des ex-pays socialistes une orientation juste pour se mettre à la tête de la lutte de classe qui se déroule dans leurs pays.

 

Une des conséquences de ces points de vue, c’est l’interprétation faite couramment par certains partis communistes de la nature des sociétés des pays socialistes dirigés par les révisionnistes. On les décrit comme ayant été des sociétés à « capitalisme monopoliste d’État » bien que « de type nouveau » ou ayant pris la forme d’un « capitalisme bureaucratique ». Plus particulièrement, l’affirmation voulant que la société soviétique dirigée par les révisionnistes modernes (c’est-à-dire pour la période allant de 1956 à 1991) ait été une société social-impérialiste est largement répandue. Sur ce terrain aussi, le Parti communiste du Pérou occupe une position importante, mais cette fois dans un sens négatif. S’il est clair que la phase socialiste est une phase de transition dans laquelle graduellement et par bonds, on liquide les rapports sociaux capitalistes et on développe les germes du communisme, il est clair aussi qu’une fois que la direction du parti et de l’État fut prise par les révisionnistes modernes (qui sont les représentants et porte-parole de la bourgeoisie typique et spécifique de la société socialiste), la nature de l’Union soviétique ne pouvait pas changer du coup. En réalité, il y eut une inversion de la direction vers laquelle la société allait. Dans chaque domaine, pas à pas, furent graduellement étouffés les rapports communistes déjà construits, renforcés les rapports capitalistes qui subsistaient et réintroduites les relations capitalistes là où existaient des conditions pour le faire. Accuser les révisionnistes soviétiques d’avoir été des sociaux-impérialistes dans le sens où leurs relations avec les partis communistes menées sous le drapeau du socialisme suivaient une ligne faite d’ingérence, de chantage et d’arrogance est une chose. Soutenir que l’Union soviétique était devenue d’un coup un pays impérialiste en est une autre. Les communistes qui soutiennent que l’Union soviétique était un pays social-impérialiste n’ont jamais expliqué de quoi à leur avis le bond de 1989-1991 était constitué, quelles ont été ses causes et qu’est-ce qui est en cours actuellement dans les pays qui constituaient l’Union soviétique. Pourquoi n’essaient-ils pas de l’expliquer ? Les communistes des ex-pays socialistes ne peuvent comprendre la lutte de classe qui se mène dans leurs pays et ce que sont leurs tâches que s’ils partent d’une conception matérialiste et dialectique de ce qu’ont été les pays socialistes avant l’arrivée des révisionnistes à leur direction et dans les décennies qui ont suivi.

 

6. La révolution socialiste dans les pays impérialistes

 

La révolution prolétarienne mondiale est la combinaison des révolutions socialistes dans les pays où le capitalisme est le mode de production prédominant et des révolutions de nouvelle démocratie dans les pays où les restants du féodalisme (les rapports de dépendance personnelle et la question agricole) et l’asservissement aux pays impérialistes sont prédominants. La distinction des deux types de révolution est, surtout aujourd’hui, en vue de la prochaine vague de la révolution prolétarienne, une condition indispensable pour leur juste combinaison. Les mouvements révolutionnaires des pays opprimés ne peuvent être compris dans leur développement réel et dans les lois qui les déterminent que si on tient compte qu’une révolution démocratique y est en cours qui ne pourra s’accomplir et triompher que si elle est dirigée par la classe ouvrière et par son parti communiste, donc comme révolution de nouvelle démocratie. Cela rend encore plus clair combien il est illusoire d’attendre que le développement du mouvement révolutionnaire dans les pays opprimés puisse être la cause principale de la renaissance du mouvement communiste dans les pays impérialistes.

 

Quant aux révolutions socialistes dans les pays impérialistes, Engels avait déjà mis en lumière (dans l’introduction de 1895 aux Luttes de classes en France de Marx) qu’il est impossible d’instaurer le socialisme par la conquête du pouvoir de la part des communistes dans le cours d’une insurrection populaire à laquelle le parti communiste aurait participé comme un parti parmi les divers partis populaires. Le cours des révolutions de 1918 et 1919 en Europe centrale et orientale a pleinement confirmé cette thèse qu’Engels avait tirée du bilan de l’expérience de la Commune de 1871. La révolution socialiste peut vaincre seulement en passant par un processus d’accumulation des forces révolutionnaires qui de par sa nature et par la force des choses doit s’accomplir pendant que domine encore la bourgeoisie impérialiste.

 

Les tentatives faites par les partis de la Première Internationale communiste pour développer la révolution socialiste dans les pays impérialistes ont montré et confirmé qu’il n’est pas possible que cette accumulation se produise ni seulement, ni principalement par l’insertion du mouvement communiste conscient et organisé (le parti communiste et ses organisations de masse) dans la lutte que dans chaque société bourgeoise les partis et autres organisations mènent entre elles pour s’accaparer de la direction politique (bien qu’en principe, cette insertion soit nécessaire). Le bilan de l’expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et l’analyse des régimes de contre-révolution préventive (dans laquelle la sûreté du régime passe avant le respect des droits démocratiques, politiques et civils) instaurés par la bourgeoisie impérialiste portent à conclure que, dans les grandes lignes, l’accumulation des forces révolutionnaires dans les pays impérialistes représente la phase de « défensive stratégique » de la guerre populaire révolutionnaire de longue durée dont parlait Mao Zedong. La guerre populaire révolutionnaire de longue durée est la forme que prend la révolution prolétarienne, y compris dans les pays impérialistes. La théorie de la guerre populaire révolutionnaire de longue durée que Mao a élaborée dans ses lignes générales reflète aussi le développement du processus révolutionnaire des pays impérialistes. La révolution socialiste dans les pays impérialistes consistera fort probablement dans chaque pays dans la transformation de la guerre d’extermination que la bourgeoisie impérialiste, poussée par la seconde crise générale du capitalisme, mène déjà de fait contre les masses populaires des pays impérialistes, en une guerre que les masses populaires mèneront de manière toujours plus systématique et avec plus d’organisation, en prenant dans leurs propres mains l’initiative et guidées par la classe ouvrière sous la direction de son parti communiste. Elle représentera un choc entre la mobilisation révolutionnaire des masses promue par le parti communiste et la mobilisation réactionnaire des masses que la bourgeoisie doit promouvoir pour faire face à la crise politique et culturelle et à la guerre inter-impérialiste. Dans le cours de ce choc se réalisera la transformation de la mobilisation réactionnaire des masses en mobilisation révolutionnaire des masses.

 

La direction de cette œuvre ne peut être assumée et développée que par des partis communistes qui assurent leur existence et la continuité de leur travail, quelles que soient les tentatives de la bourgeoisie impérialiste de les briser, c’est-à-dire des partis communistes clandestins, comme l’a été le parti de Lénine et comme l’ont déjà été les partis communistes des pays impérialistes, mais seulement dans les périodes où la bourgeoisie impérialiste interdisait aux communistes de développer une activité politique ouverte.

 

7. La méthode de la ligne de masse

 

Les partis communistes même s’ils sont clandestins, peuvent promouvoir et diriger une vaste mobilisation des masses s’ils adoptent comme méthode principale de direction la ligne de masse telle qu’illustrée par Mao Zedong. Celle-ci consiste à déterminer dans chaque groupe social, dans chaque circonstance et à chaque niveau la gauche, la droite et le centre, puis à mobiliser et organiser la gauche pour qu’elle unisse à elle le centre et isole la droite. La gauche, dans chaque groupe social et dans chaque circonstance, consiste dans cette partie dont les aspirations et les objectifs, si réalisés, favorisent la cause de la révolution prolétarienne et qui, en se développant de phase en phase, portent ces forces à confluer, dans le mode approprié à leur nature, dans le fleuve de la révolution prolétarienne. Vue d’un autre point de vue, cette méthode consiste à ramasser les idées et les sentiments qui existent parmi les masses en forme dispersée et confuse, les élaborer et en tirer des lignes, méthodes et mesures, les porter aux masses de sorte qu’elles les reconnaissent comme étant les leurs et les mettent en pratique. Rassembler les nouvelles idées et les sentiments apparus parmi les masses sur la base de la nouvelle pratique développée par elles, les élaborer pour en tirer de nouvelles lignes, méthodes et mesures et les rapporter parmi les masses, et ainsi de suite. Les partis communistes qui ont guidé avec succès les révolutions du siècle dernier ont pratiqué la ligne de masse comme méthode principale de travail et de direction, même s’ils n’en avaient pas une conscience claire. Sous leur direction, les masses populaires ont vaincu la bourgeoisie impérialiste, repoussé toutes les tentatives de revanche et de restauration et les agressions de la bourgeoisie impérialiste et construit des pays socialistes invincibles et capables de réaliser des grands progrès, dont l’influence rayonnait partout et inspirait force, confiance et élan aux masses populaires de chaque pays : la bourgeoisie impérialiste recourait à tous les moyens pour se défaire de leur influence sur les masses populaires. C’est seulement après que les révisionnistes modernes aient prévalu avec leurs solutions bourgeoises des problèmes de la société socialiste, et quand les partis communistes ont prétendu diriger les sociétés socialistes non pas comme les vrais communistes les avaient dirigées (parti communiste, organisations de masse, ligne de masse), mais plutôt comme les bourgeois dirigent les travailleurs qui dépendent d’eux (les relations industrielles), les masses populaires (les politiques macro-économiques et la politique générale) et soi-même (démocratie bourgeoise et guerres inter-impérialistes), que les pays socialistes sont devenus instables, qu’ils ont dû se protéger avec des barrières et des polices de l’influence de la bourgeoisie et que les rapports de force ont été invertis.

 

La ligne de masse est la relation adéquate et nécessaire du mouvement communiste compris comme mouvement conscient et organisé avec le mouvement communiste compris comme mouvement pratique qui transforme l’état actuel des choses, dont le premier est une partie et un aspect.

 

Conclusion

 

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