La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes

Cahiers pour le débat dans le mouvement communiste mondial N. 2 février 2004
mercoledì 2 maggio 2007.
 

Édite par la Commission Préparatoire du congrè de fondation du(nouveau) Parti
communiste italien

N. 2 février 2004

La lutte pour ledroit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes

Article de Giuseppe Maj, membre du (nouveau)Particommuniste italien, paru en « Combat breton » no. 214 e 215 (nov. et déc.2003).Diffusion par le Comité contre laCriminalisation de la Lutte pour la Reconstitution d’un Parti Communiste enItalie

Dans l’article « La tête de mort » (cf. Combat breton n°206, mars 2003), Jean-Pierre Le Mat appelle les camarades d’Emgann (leMouvement de la gauche indépendantiste de Bretagne) à encadrer leur lutte dansle temps (dans l’histoire) et dans l’espace (dans l’actuel contexte social etpolitique), donc à définir l’objectif de leur lutte : c’est-à-dire ce qu’ilsveulent et pas seulement ce contre quoi ils luttent. Autrement dit, Jean-PierreLe Mat les pousse à ne pas rester un parti de la subversion et à se transformeren vrai parti révolutionnaire.

Je suis un représentant du mouvement communiste italien. Jesuis un des communistes qui luttent pour reconstruire un vrai parti communisteen Italie. Plus précisément, je suis membre de la Commission Préparatoire ducongrès fondateur du (nouveau)Parti communiste italien. La bourgeoisieimpérialiste italienne a à peu près les mêmes problèmes que la bourgeoisie desautres états européens. La crise générale du capitalisme avance et elle doitéliminer les droits et les conquêtes de civilisation et de bien-être que lesmasses populaires lui ont arraché au cours des 70 premières années du XXèmesiècle, pendant la première vague de la révolution prolétarienne. Lesmasses populaires s’opposent à cette élimination et partout dans le monde labourgeoisie impérialiste emploie tous les moyens que la situation politiqueconcrète du pays lui permet d’employer pour empêcher la formation des centres d’agrégation,de promotion, d’orientation, d’organisation et’ de direction de la résistancedes masses populaires. Le mouvement communiste et le (nouveau)Parti communisteitalien sont donc frappé par dès campagnes de répression qui se succèdent lesunes après les autres. Suite à la collaboration des autorités françaises avecles autorités italiennes, je suis prisonnier depuis le 23 juin à la maison d’arrêtde Paris-La Santé, tandis qu’un autre membre de la Commission Préparatoire estincarcéré à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis. A la Santé, j’ai rencontré desprisonniers politiques bretons, corses, basques et musulmans et j’ai pu mieux connaîtrele Mouvement de la gauche indépendantiste bretonne. Historiquement, la prisonest une école pour nous les communistes et les révolutionnaires, la répressionpousse à développer la lutte antirépressive. Donc, même si la bourgeoisie ne leveut pas, la contre-révolution aide au développement de la révolution ; commeMarx le disait dans « Les luttes de classes en France, 1848-1850 » : « ...C’est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, ense créant un adversaire et en le combattant que le parti de la subversion a puenfin devenir un parti vraiment révolutionnaire ».

Nous les communistes italiens, nous soutenons les luttes pourle droit à l’autodétermination nationale même dans les pays impérialistes.Pourquoi ? En répondant à cette question, on aborde implicitement les sujetsposés par Jean-Pierre Le Mat. A mon avis la réponse peut intéresser lesindépendantistes bretons et les communistes de France. Le droit à l’autodéterminationnationale (qui bien sûr comprend le droit à la sécession et à constituer unétat indépendant, il s’agit donc d’une chose tout à fait distincte de l’autonomielocale) est un des droits démocratiques des masses populaires. Or la défense etl’élargissement des droits démocratiques des masses populaires dans les pays impérialistesconstituent un aspect incontournable de notre lutte pour créer des nouveauxpays socialistes et pour avancer vers le communisme sous les drapeaux dusocialisme. Pendant son essor et la construction de son système social en Europeoccidentale, c’est-à-dire dans la période qui s’étire du XIIèmejusqu’au XIXème siècle, la bourgeoisie a créé ses états nationaux.Poussée par les besoins de ses affaires et de ses échanges la bourgeoisie acherché à créer des marchés et des champs d’action toujours plus larges et àles transformer selon ses besoins. Elle a exploité l’héritage culturel etpolitique que l’histoire lui léguait pour éliminer les barrières entrepopulations et entre régions. Elle a exploité l’unité politique pour unifier lespopulations de grands territoires même sur le terrain de l’activité économique,de la langue, du droit civil et pénal, de la culture : dans toutes lesrelations qui forment la « société civile ». D’une façon ou d’une autreelle a obligé des populations différentes entre elles à former une seulenation. Il est indéniable que les nations actuelles de l’Europe occidentalesont des formations économico-sociales bâties au cours de la période compriseentre le XIIème et le XIXème siècle. Cela doit être ditface à ceux qui pensent que les nations actuelles sont constituées par uneliaison de sang (comme jadis les nobles pensaient que la noblesse étaitcomposée par des personnes de « sang bleu ») ou par d’autres caractèresnaturels, psychologiques, physiques, mystiques qui remonteraient dans le passélointain. En règle générale les actuelles nations d’Europe occidentale n’ontpas été formées par agrégation, fédération ou fusion des différentespopulations. Bien au contraire cela a été un processus de conquêtes, desoumissions, d’annexions, d’assimilations jusqu’à effacer la langue, lesusages, les coutumes et à dissoudre les réseaux locaux de relations en tousgenres qui différenciaient la population d’une région par rapport à lapopulation dont la bourgeoisie dirigeait le processus. Cette méthode collaitbien à la nature du capital : le capital le plus fort soumet les capitaux plusfaibles, il annexe leurs éléments composants (ouvriers, moyens de production,ressources naturelles,...) et les transforme selon ses besoins. La nature ducapital réverbère sa lumière sur la formation des nations actuelles de l’Europeoccidentale comme sur tous les processus sociaux dirigés par la bourgeoisie. Enplus, de ce côté-là, la nouvelle classe dirigeante collait très bien avec latradition féodale de conquête et d’annexion, la favorisait et en élargissait lerayon d’action. Ce n’est pas par hasard que jusqu’à la première guerre mondiale(1914-18) les intérêts dynastiques des familles royales européennes ont joué unrôle si important dans l’action des états bourgeois ! La création du systèmecoloniale et les guerres entre états nationaux européens qui ont ensanglantés l’Europeet le monde ont été les expressions les plus élevés et extrêmes de ce processusde conquête, d’expansion, de soumission, d’assimilation qui a créé les étatsnationaux de l’Europe occidentale et qui a effacé si bien des variétés socialesqui existaient en Europe au commencement du XIIème siècle...Pour des raisons différentes mais bien déterminés cas par cas, même dans lesterritoires soumis aux plus grands états nationaux européens (ou dérivés commeles USA, Australie, Canada, et les états de l’Amérique Latine) il y a toutefoisde petites nations qui ont plus ou moins bien survécu à ce processus d’effacementde leur identité. Elles ont survécu assez longtemps pour que leur résistanceait rejoint la lutte croissante des masses populaires des grandes nationseuropéennes et dérivés, des colonies et semi-colonies contre lordresocial bourgeois et contre le système impérialiste dans lequel l’ordre socialbourgeois a débouché.

Cette lutte montante est ce qu’on appelle le mouvementcommuniste. C’est la dénomination donnée dans « L’idéologie allemande »(1845-1846) par Marx et Engels au mouvement pratique qui transforme et dépassel’ordre social bourgeois et porte vers le communisme. Ils ont fondé laconscience de ce mouvement pratique : le mouvement communiste comme mouvementconscient et organisé. Le mouvement communiste par sa nature a besoin d’avoir cetteexpression consciente et ce moteur conscient constitué par les partiscommunistes. Il ne pourrait pas s’accomplir autrement. Le mouvement communistea conduit les grandes masses populaires à accomplir, pour la première fois danstoute l’histoire, une action politique autonome par rapport aux classesdominantes : nommément par rapport à la bourgeoisie et aux autres classesréactionnaires. Par conséquent, il a donné une nouvelle impulsion aussi à larésistance des petites nations qui n’avaient pas encore été effacées par lerouleau, dans le creuset, par le moulin de l’essor de la bourgeoisie. A partirde cette conjonction, la résistance des petites nations à la bourgeoisie estdevenue une lutte pour l’autodétermination nationale, tandis qu’avant c’était unelutte pour revenir au passé ou pour le perpétuer. Elle a acquis un nouveaucaractère créé par le contexte différent qui l’encadre (cela est un faitobjectif, même si ses protagonistes n’en sont pas conscients), par lesinfluences réciproques qui de toutes façons se sont réalisées et se réalisententre les différents fronts de lutte contre l’ordre social bourgeois, par lesliaison mêmes organisationnelles et idéologiques qui se sont nouées entre lesluttes des petites nations et les autres luttes qui forment le mouvementcommuniste. Ce n’est pas par hasard que les petites nations dont nous parions s’éveillentà une nouvelle vie après la moitié du XIXème siècle et lecommencement du XXème siècle, quand on entre dans l’époque desrévolutions prolétariennes.

Ce n’est pas par hasard que la lutte de ces petites nationspour leur survie cesse d’être une lutte dirigée par le clergé, la petitenoblesse locale et d’autres classes et couches réactionnaires et cesse d’avoircomme perspective la conservation ou la restauration d’un monde révolu et qu’elledevient une lutte toujours plus placée sous la direction de la bourgeoisienationale, des travailleurs autonomes (paysans et artisans) et des ouvriersdont la perspective subjective se tourne plus ou moins clairement vers lacréation d’une nouvelle société nécessairement supérieure à la sociétébourgeoise. Le mouvement de ces petites nations qui ont survécu au délugebourgeois fait désormais parti du mouvement communiste en tant que mouvementpratique de subversion et de dépassement de la société bourgeoise.

Quand le mouvement communiste (en tant que mouvementconscient et organisé c’est-à-dire en tant que partis et Internationale) a-t-ilcompris que la lutte pour l’autodétermination nationale des petites nations despays impérialistes avait cette nouvelle caractéristique et qu’elle était partiede lui-même ? Grosso modo au commencement de l’époque impérialiste, lorsque l’époquedes révolutions prolétariennes commence et que la classe ouvrière prend le rôlede diriger toutes les autres classes des masses populaires des paysimpérialistes (et avant tout de la couche la plus nombreuse des travailleursautonomes, les paysans) et de les guider à abattre l’état bourgeois, créer despays socialistes et commencer en tant que pays socialiste à marcher vers lecommunisme. Dans la même période le mouvement communiste assume commecomposante de lui-même également la lutte des peuples des colonies etsemi-colonies pour abattre le système colonial, la lutte des femmes pour leurémancipation, la lutte contre la discrimination raciale, etc. Tout cela faitparti du léninisme et donc du marxisme-léninisme, la seconde étape de la penséecommuniste.

Le mouvement communiste avait été dès son début sensible à larevendication de l’indépendance de la part de certaines nations opprimées. Lapremière internationale fut fondée (1864) lors d’une assemblée de soutien à l’indépendancede la Pologne. Marx et Engels appuyèrent toujours activement la lutte desIrlandais pour leur indépendance face à l’Angleterre. Mais jusqu’au début de l’époqueimpérialiste, le mouvement communiste appuyait ces luttes dans le sens que lemouvement communiste faisait partie du mouvement démocratique. En effet, sondevoir principal alors était de constituer la classe ouvrière comme classedistincte face aux autres classes de travailleurs, de marquer la différenceentre la lutte pour son émancipation collective de la bourgeoisiepar ledépassement du capitalisme face aux luttes plus ou moins réactionnaires desautres classes de travailleurs et de doter la classe ouvrière de sa conceptiondu monde et de son organisation : en synthèse d’asseoir les prémissesnécessaires pour que la classe ouvrière puisse prendre la direction de tout lemouvement populaire contre la bourgeoisie pour construire des pays socialistes.C’est seulement lorsque le mouvement communiste eut atteint sa maturité qu’ilassuma en lui-même toutes les luttes contre l’ordre social bourgeois qui dès cemoment dans ce nouveau contexte, devinrent des luttes progressistes : elles necherchaient plus à faire revenir en amère l’histoire mais contribuaient àporter les hommes vers le communisme : le débouché nécessaire, le seul débouchépossible de la société bourgeoise. Entre temps la bourgeoisie était devenue laclasse dominante au niveau mondial, son ordre social était devenu la baseprincipale commune sur laquelle s’appuyaient pour leur survivance toutes lesvieilles institutions et tous les vieux instituts : l’oppression nationale, ladiscrimination raciale, l’oppression des femmes et des enfants, l’oppressioncoloniale, l’obscurantisme clérical, toutes les forces, les institutions et lesidées réactionnaires : du Vatican, au royaume wahhabite de l’Arabie, au DalaïLama.

Avec le léninisme, le mouvement communiste acquit lacompréhension développée du fait que la lutte pour le droit à l’autodéterminationnationale des petites nations non assimilées dans les pays impérialistes (jusqu’àla sécession et la constitution d’un état indépendant) est devenue un composantde la révolution prolétarienne au même titre que la lutte pour éliminer lesystème coloniale et semi-colonial, la lutte pour l’émancipation des femmes etdes enfants la lutte pour en finir avec la discrimination raciale, la luttepour lautonomie des communautés de base à tous les niveaux, toutesles luttes pour réaliser pratiquement les droits démocratiques des massespopulaires, pour les élargir et pour pousser en avant leur participation à lagestion de la société. Dans son écrit de Juillet 1916 « Bilan d’une discussionsur le droite des nations à disposer d’elles mêmes » Lénine résumait : «La révolution en Europe ne peut pas être autre chose que l’explosion de lalutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de lapetite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement -sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucunerévolution n’est possible - et, tout aussi inévitablement, ils apporteront aumouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses etleurs erreurs. Mais, objectivement ils s’attaqueront au capital, et l’avant-gardeconsciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette véritéobjective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vuesans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparerdes banques, exproprier les trusts haïs de touts (bien que pour des raisonsdifférentes) et réaliser dautres mesures dictatoriales, dont lensembleaura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire dusocialisme, lequel ne s’épurera pas d’emblée, tant s’en faut, des scoriespetites-bourgeoises ».

Des ce moment dans et au nom du mouvement communiste il y aeu encore des prises de position contraires au droit à l’autodétermination despetites nations des pays impérialistes au même titre qu’il y a eu des prises deposition de soutien à l’oppression coloniale (pour exemple les trotskistes dansles années 30 prônèrent l’occupation de la Chine par le Japon, le PCF dans lesannées 50 s’opposa à la guerre de libération nationale en Algérie, etc.) Maisil s’agit toujours de pas en arrière qui sur le plan théorique faisaient partied’une plus large opposition au léninisme et d’une déviation du cours principaldu mouvement communiste sur le plan pratique (le révisionnisme moderne, letrotskisme, le bordighisme, etc.).

On ne rappellera jamais assez que le Parti communistefrançais des années 20 et 30 soutenait activement le droit à lautodéterminationet les droits linguistiques des nations soumises à létat français,au point de défendre dans « l’Humanité » les poseurs de bombes bretons deGwenn ha Du. Son évolution rétrograde jusqu’au chauvinisme français est bien àinterpréter comme une victoire de la ligne bourgeoise en son sein. Les fauteursde ces pas en arrière les ont justifiés au nom du développement des forcesproductives : l’oppression par de grandes nations impérialistes aurait été lacondition nécessaire du développement économique des nations arriérées. Cettejustification s’appuyait sur une interprétation du marxisme que Lénine avaitdéjà démontré comme étant « Une caricature de marxisme » et de l’« économismeimpérialiste ».

Les lois économiques du capitalisme poussent la bourgeoisie àfouler aux pieds les droits démocratiques des masses populaires. Selon lespartisans de l’« économisme impérialiste » il ne faut pas mobiliserles masses populaires contre cette tendance de la bourgeoisie impérialisteparce que de toute façon il s’agirait d’une lutte sans issue. (Voir Lénine « Apropos d’une caricature de marxisme » et « A propos de la brochure deJunius », 1916). Bien sûr, la direction bourgeoise de la société rend lesrelations internationales de plus en plus hostiles à l’indépendance et à lautodéterminationdes nations tout comme elle ronge et efface les droits démocratiques dans lesrelations sociales internes de chaque pays. Mais cela ne signifie pas qu’il estabsolument impossiblede conquérir des victoires dans les deux domaines tout enrestant dans le cadre de la société bourgeoise : toujours plus difficile oui,mais pas impossible. Cela signifie encore moins que les luttes des massespopulaires dans ces domaines ne sont pas efficaces pour entraîner les massespopulaires dans un mouvement pratique qui les mobilise et les éduque à la lutterévolutionnaire sous la direction de la classe ouvrière et de son particommuniste.

Bien sûr nous allons vers une fusion au niveau mondial detoutes les nations et de toutes les races dans un seul organisme social. Maisil y a deux manières bien distinctes pour marcher dès maintenant vers la futurefusion (tout comme il y a deux manières bien différentes de marcher dès àprésent vers la future disparition des artisans, des paysans individuels, despetits commerçants,...) : 1° ) La manière bourgeoise. Son essence est lasoumission des nations et des peuples les plus faibles, leur oppression et leureffacement. Des gens hypocrites et trompeurs justifient et acceptent cettemanière car le résultat serait inéluctable et ils se dressent avec haine contreceux qui s’oppose à la manière bourgeoise (souvent en arguant des formes deluttes désespérées bien qu’héroïques qu’ils emploient quand ils ne voient pas d’autresvoies). 2° ) La manière prolétarienne. Son essence est la mobilisation à tousles niveaux de chaque couche des masses populaires pour élargir ses droits etses pratiques démocratiques et résoudre les problèmes de son développementcivil en collaborant avec les masses populaires de toutes les nations pourconstruire ensemble une société mondiale plus avancée. La manière prolétarienned’avancer aujourd’hui n’est plus seulement une hypothèse raisonnable etsouhaitable. Pendant la première grande vague de la révolution prolétarienne(dans les premières ‘70 années du XXème siècle), le mouvementcommuniste a démontré et déployé pratiquement et sur une grande échelle cettemanière. La construction de pays socialistes, l’élimination du systèmecolonial, les révolutions de nouvelle démocratie, les démonstrations de lapuissance de la ligne de masse (1) comme méthode de transformation et dedirection de la société dans tous les domaines sont là pour montrer la manièreprolétarienne d’avancer. Bien sûr, les ennemis du communisme et les abrutis quisubissent leur influence cherchent à effacer cette démonstration pratique surune grande échelle en clamant les centaines de « faits » qui lacontredisent. Mais ces « faits », même lorsqu’ils ont réels (et biensûr il y en a) relèvent des traces de la société bourgeoise que la révolution n’effacepas du jour au lendemain, des difficultés réelles de la transformation, deserreurs de révolutionnaires qui s’éveillent peu à peu de l’abrutissement danslequel la bourgeoisie et les autres classes dominantes ont depuis toujours éduquéesles masses populaires, des limites de compréhension par les communistes desconditions et des méthodes nouvelles dans lesquelles se déroule la nouvellephase de l’histoire des hommes. Les empiristes (2) ont beau jeu danstous les domaines de l’expérience de trouver des « faits » quicontredisent le cours principal des choses décrit par la science, ses lois etses règles. Mais les choses vont de toutes façons dans leurs directions augrand dommage des empiristes ! Après la restauration des nobles et du clergé en1815, combien de gens intelligents y compris de grands intellectuels commeHegel juraient que les forces bourgeoises étaient foutues pour toujours (3) ?Le mouvement communiste a démontré dans la pratique même qu’il marche vers lafusion des nations justement en réalisant universellement le droit à l’autodéterminationnationale et, de manière plus générale, les droits démocratiques, l’initiativeet la libération des masses populaires.

La conception jusque là illustrée de la nature et du rôle historiquede la lutte des petites nations des pays impérialistes pour leur droit à l’autodéterminationnationale nous oblige nous les communistes à suivre deux lignes différentesselon notre position pratique, mais les deux relevantes de linternationalismequi est partie constituante incontournable de notre conception de la société...Les socialistes et les communistes qui ont laissé tomber l’internationalismesont toujours et pour cause passé au service de la bourgeoisie impérialiste...On le voit dans l’histoire du fascisme italien, du national-socialismeallemand, du sionisme, de Jacques Doriot et ses amis en France et partoutailleurs.

Les communistes des nations dominantes doivent appuyer sanscondition le droit des petites nations des pays impérialistes à l’autodétermination; nommément pour les communistes italiens, je pense aux nations ladine,sud-tyrolienne, de la Vallée d’Aoste, sarde, occitane, albanaise te grecque etpour les communistes français je pense aux nations basque, bretonne, corse,occitane et alsacienne ainsi que tous les peuples et nations des DOM-TOM, et cejusqu’à la sécession et à la constitution d’un état indépendant (bien sûr ledroit au divorce ne veut pas dire que l’on est obligé de divorcer !) Nousdevons soutenir les organisations qui luttent pour faire reconnaître ce droit.Nous ne devons pas fléchir dans notre soutien quelques soient les formes delutte que ces organisations emploient : si elles sont efficaces, c’est sur quela bourgeoisie impérialiste, qui est systématiquement maître de la terreurcontre les masses populaires, les classera comme « terroristes ». Nousdevons tracer notre première ligne de démarcation sur des bases politiques. Onpeut débattre des formes de lutte plus ou moins efficaces seulement avec lesgens qui se battent pour le même objectif. La bourgeoisie au contraire veuttoujours mettre en avant les formes et les moyens de lutte parce qu’elle veutconserver le monopole de la violence et des armes. Si on accepte cettecondition préalable de la bourgeoisie on ouvre nos rangs à l’actiondésagrégeante à travers ceux qui s’opposent aux moyens de lutte tout simplementparce qu’ils se fichent de l’objectif, de la victoire et on accepte ainsi lediktat de la bourgeoisie pour savoir qui sont nos amis et qui sont nos ennemis.Les communistes des nations dominantes qui ne suivent pas cette ligne, selivrent sûrement à l’économisme (4) et à la stérilité politique, même siils en appellent au niveau actuel de compréhension des masses ouvrières. Lesmasses ouvrières à l’heure actuelle ne croient pas non plus que la création depays socialistes soit possible et ne le souhaitent peut-être même pas ! J’appelleles camarades des organisations communistes se réclamant du marxisme de l’EuropeOccidentale à expliquer avant tout à eux-mêmes pourquoi ils appuient le droit àl’autodétermination des nations autochtones des USA, d’Amérique latine, de l’Australieetc. Mais pas le même droit chez les basques, les sardes, les corses, lesbretons... C’est-à-dire chez eux.

Les communistes des petites nations doivent prendre la têtedes masses populaires même dans la lutte pour le droit à l’autodéterminationnationale tout comme ils prennent la tête des luttes pour défendre et élargirles autres droits démocratiques des masses populaires et des lutteséconomiques. Avec leur direction ils doivent porter les indépendantistes à nepas regarder en arrière, à ne pas chercher à puiser la justification de leursbuts dans le lointain passé, dans la mystique ou dans le sang. Leurs buts sontjustifiés par les possibilités créées par les acquis matériels, intellectuelset spirituels de la société moderne, par le rôle nouveau que les massespopulaires doivent assurer dans la société communiste. L’expérience pratique dela première vague de la révolution prolétarienne a fait progresser beaucoup lesmasses populaires... Elles ont toujours plus de mal à subir bien des conditionset d’agissements qu’avant elles trouvaient « naturelles » : la violencecontre les femmes et les enfants, la pollution de l’environnement, l’exterminationdes populations vaincues et des races prétendument « inférieures », latoute puissance des riches et des autorités, la souffrance, ‘l’écrasement despetites nations, etc. Le mouvement pour le droit à l’autodéterminationnationale est donc devenu lui aussi un composant de la marche des hommes et desfemmes vers le communisme. Les communistes des petites nations qui ne s’engagentpas dans la lutte en faveur du droit à l’autodétermination nationale nassumepas leur rôle. Ils n’assument pas la défense de tous les droits démocratiquesdes masses populaires et ils renoncent à la lutte politique révolutionnaire etvivotent grâce à l’économisme. Ils laissent la porte ouverte aux groupes et auxétats impérialistes qui emploient les revendications d’autodéterminationnationale des petites nations soumises à des états concurrents comme armes dansles luttes interimpérialistes, comme moyens d’échange dans leur accord. Toutjuste maintenant nous voyons les groupes impérialistes USA qui nient avec forcechez eux tout droit national aux nations indiennes, aux afro-américains, auxportoricains, qui offensent l’indépendance nationale de centaines de nations,qui ont des détachements militaires dans plus de 140 pays du monde et qui sontle gendarme de l’ordre social bourgeois dans chaque coin du monde, se placerdans la posture du promoteur des droits nationaux des albanais du Kosovo et deskurdes du Nord de l’Irak (mais bien sûr pas des Kurdes de l’est de la Turquie tantque la bourgeoisie turque obéit aux ordres I) Les groupes et les étatsimpérialistes peuvent exploiter d’autant plus facilement les petites nationsquand le rôle du clergé, de la bourgeoisie nationale et des autres notableslocaux est important dans le mouvement indépendantiste. Et le rôle de cesgens-là est inversement proportionnel au rôle des communistes, de la classeouvrière, et des autres couches de travailleurs exploités. Les groupes et lesétats impérialistes s’appuient tantôt sur la bourgeoisie nationale, le clergé,et les notables, tantôt sur les masses populaires exploitées par ceux-là, selonles circonstances. Le mouvement indépendantiste peut devenir un mouvementvraiment populaire et donc invincible seulement si il mobilise sur la base de leursintérêts de classe spécifiques les classes exploitées et opprimées, qui, enligne générale, forment la partie majeure de la population dans les petitesnations. Les mouvements pour l’autodétermination nationale des petites nationssont face à deux voies. Une voie est celle de la direction des massespopulaires par la bourgeoisie nationale, le clergé, les autres notables locaux.Ceux-ci, à leur tour, sont liés par mille intérêts à la bourgeoisieimpérialiste de la nation dominante ou d’autres pays. C’est la voie qui portele mouvement indépendantiste à subir les manoeuvres et les intrigues desgroupes et états impérialistes... L’autre voie est celle de la direction de laclasse ouvrière qui entraîne le reste du prolétariat et des masses populaireset oblige même la bourgeoisie nationale, le clergé et les notables locaux àsuivre à la traîne le mouvement indépendantiste pour ne pas se couper desmasses populaires d’où ils puisent leur force contractuelle face à labourgeoisie impérialiste. La direction de la classe ouvrière dans le mouvementpour le droit à l’autodétermination implique aussi une liaison étroite avec lemouvement révolutionnaire des masses populaires de la nation dominante. Dans l’actuellesituation de faiblesse du mouvement communiste, il implique aussi l’aide à sondéveloppement auquel presque tous les mouvements indépendantistes de l’Europeoccidentale rechignent. Ce qui est aussi, en ligne générale, une conditionnécessaire pour la victoire du mouvement national. II est en effet difficile,bien que pas absolument impossible, que des mouvements nationaux comme ceux despeuples basques, bretons, etc. puissent vaincre contre les états impérialistesfrançais, espagnol, etc. si ceux-ci ne sont pas cibles aussi du mouvementrévolutionnaire des masses populaires françaises, espagnoles, etc.

C’est cette conception de la société et cette ligne que nousles communistes italiens suivons face aux luttes pour l’autodétermination despetites nations qui ont survécu au rouleau de la bourgeoisie qui dans lapériode comprise entre le XIIème et le XIXème siècle aeffacé bien des variétés sociales qu’abritaient l’Europe, les deux Amériques etl’Australie. Bien sûr nous ne demandons pas aux protagonistes des mouvementsnationaux d’accepter a priori la direction des communistes. Nous appuyons leurlutte et là où c’est possible nous y jouons le rôle qui est le nôtre à nous lescommunistes dans toutes les luttes des masses populaires contre la bourgeoisie: le rôle que Marx et Engels avaient indiqué au début du chapitre 2 du «Manifeste du Parti communiste » (1948). Nous sommes sûrs que tous ceux quicontinueront à se battre pour le droit à lautodétermination de leurnation, sans reculer face aux difficultés et à la répression et avec la volontéde tirer les leçons de l’expérience, y compris de l’expérience des défaites,comme tous ceux qui lutteront pour défendre et élargir les autres droitsdémocratiques des masses populaires, tôt ou tard reconnaîtront que la voieindiquée par les communistes est la seule voie qui les conduit à la victoire etqu’ils joindront le front révolutionnaire anticapitaliste des masses populairesdont nous les communistes de toutes les nations prônons la création et lavictoire.

GiuseppeMaj

(membre de la CommissionPréparatoire du congrès fondateur du (nouveau) Parti communiste italien)

1er octobre 2003- 54ème anniversaire de la fondation de la République Populaire deChine.

 

Notes:

(1) La ligne de masse est une méthodede travail politique et de direction pratiquée depuis longtemps par les partiscommunistes et théorisée par Mao Tse-toung. On peut résumer cette méthode desmanières suivantes :

a)  Pour aller de l’avant le Particommuniste doit chaque fois recueillir les idées des masses concernées, leurssentiments, aspirations et états d’âme. Les élaborer à la lumière de lasituation objective et de la conception communiste jusqu’à les traduire enobjectifs, lignes et mesures. Porter celles-ci aux masses de façon à ce qu’ellesles assimilent et les réalisent et recommencer.

b)  Quand le PC doit accomplir une tâcheil doit dans chaque couche des masses trouver et mobiliser la gauche pour qu’ellerallie à elle le centre et isole la droite.

c)  Dans chaque situation et dans toutgroupe social il y a toujours deux tendances : une qui porte à progresser plusou moins directement vers le socialisme et l’autre qui le lie plus étroitementà la bourgeoisie. Le PC doit comprendre clairement et concrètement les deuxtendances et travailler de façon à renforcer la première et à affaiblir laseconde. Pour plus d’explications voir : « la ligne de masse » dans «Rapports sociaux » n° 8 à commander au Point du Jour, 58 rue Gay Lussac,75005 Paris ou chez Edizioni rapporti sociali, via Tanaro 7, 20128 Milano(ltalia) email : resistenza@carc.it

(2) Les empiristes isolent chaque « fait »et ne cherche pas à comprendre d’où il vient, la raison de sa naissance, sesrelations avec le contexte, son destin : c’est-à-dire qu’ils nient toutescience des faits. Ils isolent arbitrairement chaque fait tandis qu’en réalitéchaque fait est parti d’une chaîne générique et sa signification est déterminéepar le contexte auquel il appartient. En conséquence, les empiristes donnentdes interprétations arbitraires à chaque fait. Le même fait peut être employépour démontrer une thèse et aussi son contraire. Je pousse mon voisin : si onne considère pas le contexte, on peut dire que je voulais le tuer et au mêmetitre on peut dire que je voulais le sauver. Le fait est réel mais celui qui lecomprend ou bien le présente d’une manière erronée fait de lui un faux. C’estjustement ce que font les bourgeois dans leurs critiques des premiers payssocialistes. Ce n’est pas par hasard (par exemple) que dans leurs critiquesactuelles à « la dictature de Fidel Castro » à Cuba, ils évitent d’expliquercomment il est cependant possible que Cuba soit le seul pays d’Amérique oùpersonne ne meurt de faim ou d’une maladie soignable, où tous les gamins vont àl’école, etc. Ils glissent et doivent glisser sur le contexte des faits qu’ilsexhibent. Tandis qu’un révolutionnaire cherche justement à comprendre et àexpliquer tous les faits, même les plus contradictoires à sa thèse.

(3) Pour uneanalyse scientifique à la lumière du Maoïsme de l’expérience des payssocialistes je conseille l’article «L’expérience historique des payssocialistes » dans « Rapports sociaux » n° 8 et la brochure « I primipaesi socialisti » de Marco Martinengo (Edizioni rapporti sociali 2003) :on peut le trouver en castillan sur le site web de la CP :http://lavoce.samizdat.net (section EiLE)

(4) Là avec lemot « économisme » on désigne la mouvance qui met en 1ère placetoujours les luttes revendicatives soit contre les patrons soit contre l’étatdes patrons et pense qu’on peut aller vers la révolution socialiste engénéralisant les luttes revendicatives ou en radicalisant les formes de luttedans les luttes revendicatives ou bien en y avançant des objectifs toujoursplus élevés (cf. Lénine « Que faire ? »).

On peut acheter « Combat breton » chez la Librairie Breizh 10, rue du Maine(Paris - Montparnasse)